« Nous cherchons avant tout des regards et des idées de sujets qui sortent de nos radars » expliquait ce matin la grand reporter Florence Aubenas lors de la présentation du projet Le Monde Académie, expérience inédite de parrainage de jeunes talents rêvant de journalisme par les rédactions du quotidien du soir.
Le Monde qui fêtera en décembre ses 68 ans va offrir pour la première fois la possibilité à 68 jeunes gens, francophones, âgés de 18 à 25 ans, avec ou sans diplômes, de participer à l’éloboration du contenu éditorial du journal et du site durant une année entière. Pour le Groupe Le Monde, qui s’engage à publier chaque jour au moins un contenu (articles, photos, vidéos, webdoc…) réalisé par ces « académiciens », il s’agit d’ouvrir une profession réputée difficile d’accès à de nouveaux profils, et de s’engager sur l’insertion professionnelle d’une classe d’âge trop systématiquement recalée sur le marché de l’emploi.
Talent, envie et originalité du regard comme seuls critères de sélection
Dès aujourd’hui, les candidats peuvent présenter un dossier comprenant un CV vidéo et deux sujets qu’ils auront produits sur des thématiques qu’ils estiment insuffisamment abordées dans les colonnes du journal. « Le talent, l’envie et l’originalité des sujets proposés seront les seuls critères de sélection » assure Florence Aubenas, arrivée au Monde le 1er avril avec ce projet atypique dans ses bagages. Peu importe donc le cursus, l’origine géographique ou sociale.
« A partir du 15 septembre, chacun des 68 « académiciens » aura la garantie de voir au moins 5 de ses papiers publié dans le journal ou sur lemonde.fr d’ici au 15 juin 2013″ ont expliqué Florence Aubenas et Serge Michel, l’autre animateur de Monde Académie, qui fut en 2005 l’initiateur du Bondy Blog.
Au terme de cette première session, le jury se réunira en juin 2013 et les 3 jeunes les plus prometteurs se verront offrir un contrat d’au moins un an au sein du Groupe Le Monde.
Les candidats bénéficieront de trois week-ends de formation intensive aux pratiques et à la déontologie journalistiques au cours de l’année. Mais Le Monde n’a pas pour autant l’intention de se subsituer aux écoles de journalisme. L’expérience est avant tout pratique, de « terrain ». « Ce n’est ni un contrat, ni une formation. Ces jeunes auront un statut de pigiste et seront rémunérés pour leurs travaux publiés » assure Aubenas, qui ajoute : « la presse a toujours du mal à s’occuper de ses stagiaires. Là ça sera à eux de nous proposer les sujets. Et l’on partira de leurs envies, pas des nôtres. C’est là l’effort que nous aurons à faire pour comprendre ce qui les intéresse, ce qu’ils estiment devoir être traité dans nos colonnes. »
Louis Dreyfus, le président du Groupe, fait de son côté un constat simple : « si l’on ne parvient pas à s’adresser à une partie de la jeunesse, ça n’est pas chez le récepteur qu’il y a un problème, mais bien chez l’émetteur, donc chez nous. C’est à nous de nous ouvrir ».
« Nous n’avons aucune idée du nombre de candidatures que nous recevrons, ni de la mise en place concrète du parrainage au quotidien. C’est expérimental, et donc excitant » a conclu l’ancienne reporter de Libération et du Nouvel Observateur, en se félicitant que 40 journalistes de la rédaction se soient portés volontaires pour intégrer le comité de parrainage. « Ce projet est porté par toute la rédaction. Ce n’est pas une bonne oeuvre dans un coin pour se donner bonne conscience. » Si cette promotion de l’égalité des chances lui tient tant à coeur, c’est que la journaliste de 50 ans s’estime chanceuse d’avoir pu intégrer l’univers de la presse très jeune et ce malgré un maigre bagage scolaire. « Je ne suis pas sûre qu’aujourd’hui, ça serait encore possible ».
D’aucuns pourront regretter que le projet n’aille pas plus loin dans sa logique, en excluant par exemple les candidatures d’étudiants en écoles de journalisme – qui ne manqueront pas de se ruer sur l’occasion- et en assumant une vraie démarche de discrimination positive, tout au moins sociale. Il n’empêche que l’effort, porté par une volonté double d’écouter les préoccupations de la nouvelle génération et de leur transmettre un savoir et des valeurs, mérite d’être salué. « Les médias traversent une période de bouleversements. Ils ne s’en sortiront qu’en innovant et en s’appuyant sur les générations montantes » écrit Erik Izraelewicz, le directeur du quotidien, en conclusion de son édito daté du 7 juin 2012.
Pour se porter candidat : inscriptions jusqu’au 15 juillet sur academie.lemonde.fr