Samuel Bollendorf est photographe et membre de l’agence
Œil Public depuis 1999. Il a réalisé des travaux photographiques qui
mettent en lumière un certain regard sur les institutions en France puis des documentaires. A partir de 2006, grâce
à une bourse du ministère de la Culture, il réalise "A marche
forcée", une série de clichés sur les oubliés du
miracle économique chinois.
Pouvez-vous nous expliquer votre démarche pour ce projet en Chine ?
A l’origine, tout était prévu pour que l’exposition et le livre paraissent avant les Jeux Olympiques de Pékin. C’était mon objectif. Je me suis documenté bien avant de commencer mes voyages. Je savais ce que je voulais montrer et ce que je cherchais là-bas, où je devais me rendre. Tout était cadré mais évidemment sur place j’ai découvert d’autres aspects que j’ai voulu intégrer dans mes séries de photographies. En tout, j’ai fait 10 voyages, il y a forcément des découvertes que je n’avais pas programmées.
Comment s’est passée votre intégration avec les Chinois ?
Sur place, j’étais avec Abel Ségrétin, un correspondant de RFI à Pékin. Le fait que nous soyons étrangers a simplifié l’échange avec les Chinois. Je ne pouvais en aucun cas faire appel à un journaliste chinois pour sa sécurité principalement. Il ne faut pas non plus oublier qu’un traducteur chinois peut être un informateur, ce qui aurait fait peur à ceux que nous avons approchés. Les mineurs et les paysans avaient envie de nous parler, ils avaient confiance, et l’intégration s’est faite immédiatement. Pour les photographies d’industries, des fabriques ou des mines, je ne disais pas que j’étais journaliste officiel, je disais que j’étais étudiant en sociologie… La plupart du temps, nous ne restions pas longtemps dans un même endroit. Il fallait être mobile, se déplacer rapidement pour ne pas être pris pour autre chose que des touristes.
{xtypo_rounded_right1} "A marche forcée"
Voir une sélection de photos…
{/xtypo_rounded_right1}Dans une des séries, vous présentez la partie officielle de ce que le gouvernement a bien voulu vous montrer…
Qui dit visite officielle, dit encadrement, pas de libertés possibles. Les autorités nous montraient ce que l’on devait photographier. Tout était soigneusement préparé à l’avance. L’exposition commence par ces photos, c’est le passage obligé pour approcher les autorités. D’où le titre "A marche forcée". Dans ce cas précis où j’étais journaliste officiel, il y a eu des pressions. Toutes les photographies ont été prises en argentique et durant les voyages officiels, j’ai été obligé de développer les films en Chine. J’ai eu quelques parties de film confisquées, qu’on ne m’a jamais été rendues d’ailleurs.
Quel est selon vous l’avenir du photojournalisme ?
J’ai choisi d’être photojournaliste par envie de transmettre des
convictions politiques. Ce travail en Chine, c’est aussi une façon de mettre en avant une
certaine subjectivité face à des situations. Malheureusement, la presse ne finance plus de tel projet. C’est un
problème majeur du métier. Il faut alors aller voir du côté des
institutions. Par exemple, moi j’ai reçu une bourse du ministère de la
Culture. Ce n’est peut-être pas plus mal, cela permet une certaine
liberté et de proposer une information libre.