Pierre Haski est cofondateur et collaborateur du site Rue 89. En 2000, le quotidien Libération pour lequel il travaille, l’envoie à Pékin en tant que correspondant. Durant ces cinq années passées en Chine, il y tiendra un blog "Mon journal de Chine" et écrira plusieurs ouvrages, dont le dernier Internet et la Chine est paru en mai 2008.
Pouvez-vous nous expliquer quelle était votre démarche pour l’écriture du livre Internet et la Chine ?
Je suis parti du constat qu’Internet était un véritable prisme pour comprendre la mutation de la Chine. Quand Internet est arrivé en Chine, le pouvoir a encouragé son développement pour des raisons économiques, ce qui a conduit très rapidement à l’émergence d’entrepreneurs du web qui sont devenus de grandes puissances économiques. Parallèlement, il y a eu une réaction presque immédiate d’une opinion publique que les autorités chinoises n’avaient pas exactement anticipée. Dans un pays comme la Chine où le contrôle est permanent il est intéressant de s’attarder, de creuser et de découvrir les méandres de l’explosion d’Internet : comment Internet a changé la société chinoise ? Comment Internet qui n’était au départ qu’un calcul économique a changé la donne en politique ?
Comment s’est passée votre intégration en Chine en tant que journaliste étranger ?
Je n’ai jamais rencontré de difficultés majeures. J’étais correspondant, je faisais mon travail de journaliste. Cependant « Mon journal de Chine », le blog que j’ai créé quand je vivais là-bas, a été bloqué pendant 6 mois. Le contrôle d’Internet est permanent. Les outils sont très performants et tous commentaires, articles d’opinion – surtout lorsqu’il est question du gouvernement –, sont censurés. Mais, il est possible de contourner ces surveillances.
Malgré ce contrôle et cette répression d’Internet, pensez-vous que les choses peuvent encore évoluer en Chine ?
Pierre Haski : Il y a une « zone grise » qui s’est développée dans laquelle l’opinion publique peut s’exprimer. Les autorités la laisse vivre. Il y a toutefois une ligne rouge à ne pas franchir. Prenons un exemple concret : Samedi 28 juin, une jeune fille chinoise est mystérieusement décédée dans un hôpital. Des protestations ont immédiatement éclatées contre la conduite d’une enquête sur cette mort. L’information s’est très vite propagée grâce aux photographies et textes mis en ligne par des internautes. Et dès le dimanche 29 juin, la plupart des pages Internet faisant référence aux émeutes étaient inaccessibles. Internet est donc un réel vecteur d’expression. C’est une évolution incontestable pour les chinois malgré le contrôle des autorités. Je pense que les autres médias en Chine sont dans une situation bien plus sombres.
Plus d’infos sur Internet et la Chine de Pierre Haski
Le site Rue 89
Le blog "Mon journal de Chine" de Pierre Haski