En ce qui concerne ses Carnets d’Orients, l’ensemble est vrai, mais la réalité est arrangée par moment. Le récit graphique c’est avant tout le texte et l’image, contrairement à des récits uniquement en images comme les fresques préhistoriques par exemple. Mêler le texte et l’image, c’est peut-être ce qui est le plus compliqué à réaliser. Il faut trouver un équilibre. D’un point de vue journalistique, c’est formidable ! De la même manière qu’on raconte par des textes ou des photos, on raconte par des images et des mots. En ce sens le récit graphique reprend les codes de la BD.
Le récit graphique, c‘est lorsqu’un auteur de bande dessinée devient journaliste pour faire du reportage…
On accorde une place privilégiée à ce genre dans la revue XXI. Mais nous on ne parle que d’auteurs, jamais de journalistes, d’illustrateurs ou d’auteurs de bande dessinées. Le journaliste a forcément un regard, pour moi il n’y a pas de récit objectif. En revanche il y a un engagement du journaliste qui est d’être dans le récit : J’étais là, j’ai vu, je raconte. Mais cet engagement, un auteur d’une manière générale peut l’avoir. On accepte le regard en journalisme. Le regard c’est parler d’un sujet plutôt qu’un autre : pourquoi parler d’une chaussure rouge plutôt qu’une écharpe verte ? Il y a forcément un choix qui est inéluctable. On peut mettre du « je » tant qu’il n’est pas égocentrique et renvoie sur les autres. On accepte le regard mais pas le point de vue. Le point de vue c’est lorsqu’on sort de l’histoire. Le journaliste est envoyé sur place pour être dans l’histoire et doit donc coller au terrain. Dès qu’on rentre dans le point de vue, on sent qu’il surplombe l’histoire, qu’il est au-dessus… Et là ça ne va plus. Pour moi il y a une énorme différence entre le regard et le point de vue, entre être dedans et au-dessus.
Le récit graphique, c’est une façon de raconter pour atteindre un autre public, plus large, plus jeune…
Le récit graphique, c’est une des manières de raconter le monde. Quand on a eu l’idée de la revue XXI, on voulait rassembler l’univers du récit et les gens qui sont attirés par le récit du monde. On raconte en texte, on raconte en photos, on raconte au travers du documentaire audiovisuel ou bien au travers du récit graphique. Tous les univers du récit sont réunis. Cet assemblage de gens qui d’habitude ne se fréquentent pas beaucoup est passionnant : Les dessinateurs découvrent les journalistes et inversement. Chacun est très curieux de la manière de travailler de l’autre et on le sent bien ici à Bayeux. Et du point de vue du lecteur, il y a toujours le même constat d’une exigence : tous ces auteurs se sont engagés à raconter les choses au plus près et au plus juste, de la manière la plus limpide et honnête possible, en acceptant le regard mais en refusant de surplomber les choses.
Le site de la revue XXI
Le site du Prix Bayeux-Calvados
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