Perquisition, saisie de fichiers informatiques, mise en garde à vue… Alors qu’un projet de loi est toujours en examen au Sénat, l’"affaire Auto Plus" relance le débat sur la protection des sources des journalistes.
Mardi 15 juillet, le siège du magazine Auto Plus (Paris XVe) a fait l’objet d’une perquisition avec saisie de photos et copies de disques durs d’ordinateurs. Cette perquisition visait, semble-t-il, à connaître la source de documents reproduits dans un article du magazine en juillet 2007. Le journaliste d’Auto Plus auteur de cet article a lui même été placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire pour "abus de confiance, accès frauduleux à un système informatique et contrefaçon". Dans son article, Bruno Thomas diffusait des informations illustrées de photographies inédites sur un modèle de Renault dont la commercialisation n’était pas prévue avant trois ans.
Principal hebdomadaire de la presse spécialisée automobile, Auto Plus publie régulièrement des enquêtes sur les différents modèles à venir sur le marché. Le constructeur automobile a cependant immédiatement porté plainte pour "espionnage industriel".
Soupçonné d’avoir divulgué les informations confidentielles, un salarié de Renault a également été mis en examen vendredi dernier et placé sous contrôle judiciaire.
Réactions
Dans un communiqué diffusé dès le 15 juillet, le SNJ condamne violemment cette "nouvelle grave entorse à la protection des sources des journalistes". "C’est intolérable que les journalistes soient traités comme des criminels, fustige le syndicat, alors qu’ils exercent simplement leur profession d’informer."
Christine Albanel, a elle-même réagi le lendemain de la perquisition. Se disant "mal à l’aise quand un journaliste est mis en garde à vue et lorsqu’un journal est perquisitionné", la ministre de la Culture et de la Communication a tenu à rappeler son attachement "au principe de la liberté d’informer".
{xtypo_rounded_right1} Principales dispositions du projet de loi déposé au Sénat…
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Cette nouvelle affaire relance le débat sur la loi sur la protection des sources des journalistes. La garde des sceaux et ministre de la Justice a en effet présenté un projet de loi relatif à la protection du secret des sources le 12 mars 2008. Ce projet a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 15 mai 2008, puis déposé le 20 mai au Sénat.
Dans sa lettre à la presse, Christine Albanel rappelle que selon ce projet de loi, "il ne pourra être porté atteinte au secret des sources que si la gravité particulière du crime ou du délit en cause rend cette atteinte strictement nécessaire" et que les perquisitions "ne pourront être effectuées que par un magistrat".
En déplacement à Toulouse jeudi matin (17 juillet), Rachida Dati s’est à son tour exprimée sur l’affaire, rappelant quelques points de son projet de loi adopté en première lecture à l’Assemblée nationale : "D’abord le journaliste ne sera plus obligé de révéler ses sources à tous les stades de la procédure", a-t-elle expliqué. De plus les "garanties nouvelles" en matière de perquisition ou de saisies seront "nettement supérieures à celles accordées aux avocats."
Dans un communiqué, le président de l’Association française de la presse automobile s’indigne: "Qu’on aille fouiller les tiroirs, les disques durs et les poubelles de ce journal et que l’on prive un journaliste de liberté pour lui faire avouer ses sources d’information, cela tient de l’inquisition".
Interrogé à son tour par l’AFP, le député et ancien journaliste Noël Mamère a également vivement réagi, déclarant que "la loi sur la protection des journalistes n’était qu’un leurre qui visait à cacher la réalité de ce que souhaitait le gouvernement : contrôler les journalistes".
Alors que la ministre de la Culture insiste sur le caractère "urgent" d’une reprise de la discussion du projet de loi au Sénat, le SNJ déclare quant à lui, en guise de conclusion : "cette procédure doit être la dernière".
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