Intitulée "Crime et châtiment", la revue 2008 de l’agence de
photographes Œil Public a été présentée en exclusivité samedi 30 août à
Perpignan, dans le cadre du festival Visa pour l’image.
"Comment
peut-on aborder la violence en tant que photographe et comment peut-on
la retranscrire ?" Guillaume Herbaut, cet enfant de Visa et membre
fondateur de l’Œil Public, nous explique le contenu de ce second
numéro qui emprunte son titre à Dostoïevski...
Quel est le concept de la revue ?
{xtypo_rounded_right1} Galerie photo : extraits de la revue "Œ" 2008
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Il s’agissait tout d’abord de créer un espace de liberté et de réflexion autour de la photographie. Dans la presse écrite il y a de moins en moins de place pour la photo. On voulait créer un espace qui permet de prendre le temps de regarder les travaux des photographes, pour que le travail soit compris dans son ensemble et pas seulement à travers une double page dans un magazine. On voulait aussi que la revue ne soit pas seulement celle des photographes. C’est pour cela qu’on a fait appel à des journalistes, des écrivains, un historien. Nous voulions que cette réunion donne un contenu qui fasse réfléchir.
L’autre spécificité de la revue est qu’elle est bicéphale, c’est à dire qu’elle est autant conçue pour Internet que pour le papier. Pour survivre, nous pensons qu’il est nécessaire de créer des objets, entre le livre et le journal, que l’on ait envie de garder dans sa bibliothèque. Il y a une revue Internet qui est la continuité de la revue papier. La ligne éditoriale est la même sauf que sur le Web il y a des choses en plus comme de la vidéo et du son.
Pourquoi avoir choisi le titre "Crime et châtiment" ?
Le choix de ce titre – référence au roman de Dostoïevski – est un prétexte pour aborder la thématique de la violence. Il n’y avait pas meilleur titre, d’autant plus que notre travail est extrêmement lié à cela : Comment peut-on aborder la violence en tant que photographe et comment peut-on la retranscrire ? Et puis il y a aussi cette notion de « châtiment », sa relation avec le travail du photographe-témoin… La phrase de Dostoïevski que nous avons citée au début de la revue traduit très bien cela. (Lire la citation)
Si les photographes et les journalistes ont choisi ce métier, c’est d’une part pour témoigner mais aussi parce qu’ils ont des choses à régler. Certains photographes disent qu’ils font ce métier juste pour témoigner… Je pense que ce n’est pas totalement vrai. C’est aussi un prétexte pour raconter d’autres choses qui ne sont pas de l’ordre du témoignage. C’est là où la photo devient encore plus intéressante, lorsqu’elle dépasse le premier degré et qu’elle emmène ailleurs.
{xtypo_rounded_right1} Œil Public, "la seule agence de photographie de presse indépendante en France…
Lire la suite {/xtypo_rounded_right1}Dans la revue, six photographes apportent leur regard sur la violence… Selon vous, comment montrer l’horreur sans provoquer le rejet du lecteur ?
Chaque portfolio aborde la thématique mais le regard, la façon d’aborder la violence sont différents. Avec les six photographes choisis, on peut parfois voir la violence simplement dans le regard des gens ou dans les paysages.
Je pense que face à l’horreur des images, on a souvent deux types de réaction : le refus total – on ferme le magazine – ou bien on s’oblige à regarder, et à force de regarder, on est totalement vacciné par ces images. Il faut arriver à trouver un équilibre entre l’horreur brute et en même temps il ne faut pas qu’elle soit banalisée. Il faut accompagner le témoignage d’autre chose, afin que la violence soit comprise ou plutôt que la photo qui montre cette violence explique pourquoi elle a eu lieu. On assimile trop souvent le photographe au justicier, celui qui a le "regard juste". Mais ce statut de héros ne fait pas du tout réfléchir les gens. Pour faire réfléchir, on ne doit pas seulement montrer les pauvres dans la rue, mais plutôt essayer d’expliquer pourquoi cette personne est à la rue et pourquoi le système dans lequel on vit l’a mise à la rue. Je pense qu’aujourd’hui nous sommes dans une société basée sur l’image, une société de plus en plus lisse. Or la photo ne doit pas être lisse justement, afin de provoquer une réflexion.